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 ALLH EYROPI

 

ΜΙΑ ΆΛΛΗ ΕΥΡΩΠΗ ΕΙΝΑΙ ΕΦΙΚΤΗ…

 

ΘΕΣΕΙΣ ΤΟΥ ΑΤΤΑΚ

 

Τι συζητιέται

Του Μανώλη Μαθιουλάκη

 

Convention Européenne - ATTAC

Του Επιστημονικού Συμβουλίου του ΑΤΤΑΚ Γαλλίας

 

Συζήτηση στην Φλωρεντία των Ευρωπαϊκών Αττάκ

Του Θάνου Κονταργύρη που συμμετείχε

 

ΣΥΖΗΤΗΣΕΙΣ ΣΤΟ ΑΤΤΑΚ ΕΛΛΑΔΑΣ

 

Η Ευρωπαϊκή Ένωση ή η παγκοσμιοποίηση στην γειτονιά μας: Ας ανοίξει η συζήτηση!

Του Μανώλη Μαθιουλάκη

 

Ποια προεδρία για την Ευρωπαϊκή Ένωση;

του Wayne Hall

 

Πολίτες με ουσιαστικά δικαιώματα στην Ευρώπη; Μόνο όταν θα την κυβερνούν εκλεγμένοι πολιτικοί και όχι τεχνοκράτες

του Θάνου Κονταργύρη

 

Όχι στη συνταγματοποίηση  του νεοφιλελευθερισμού

Ναι σε ένα πραγματικά Δημοκρατικό Ευρωπαϊκό Σύνταγμα

του Γεράσιμου Γεωργάτου

 

 

ATTAC ON CONVENTION

 



ΣΥΖΗΤΗΣΗ ΓΙΑ ΤΟ ΕΥΡΩΠΑΪΚΟ ΣΥΝΤΑΓΜΑ

 

ΘΕΣΕΙΣ ΤΟΥ ΑΤΤΑΚ

Contribution à la Convention sur le futur de lEurope

La contribution dATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et laide aux citoyens) se fonde sur lexpérience des dernières années qui montre que la politique européenne fonctionne de plus en plus comme un relais de la mondialisation libérale. Elle se fonde aussi sur lexpérience et lexpertise de ses membres, qui travaillent et militent pour les droits de nombreux groupes de femmes et dhommes à travers lEurope et le monde qui vivent souvent dans des conditions difficiles, des conditions de discrimination ou dexclusion. Cette contribution représente les aspirations de millions de personnes dans le monde pour que lEurope devienne enfin un espace et un modèle de liberté, dégalité dans la dignité et la justice.

 

Web source: http://france.attac.org/site/page.php?idpage=1393&langue=

 

 

Contribution à la Convention sur le futur de l’Europe

Une autre Europe pour une autre mondialisation

Résumé

La contribution dATTAC (Association pour la taxation des transactions financières et laide aux citoyens) se fonde sur lexpérience des dernières années qui montre que la politique européenne fonctionne de plus en plus comme un relais de la mondialisation libérale. Elle se fonde aussi sur lexpérience et lexpertise de ses membres, qui travaillent et militent pour les droits de nombreux groupes de femmes et dhommes à travers lEurope et le monde qui vivent souvent dans des conditions difficiles, des conditions de discrimination ou dexclusion. Cette contribution représente les aspirations de millions de personnes dans le monde pour que lEurope devienne enfin un espace et un modèle de liberté, dégalité dans la dignité et la justice.

Pour atteindre ces objectifs, la Convention devra proposer un nouveau Traité pour corriger les erreurs et contradictions contenues dans les Traités de Maastricht et dAmsterdam, en particulier :

- la rigidité résultant du Pacte de stabilité et de croissance, qui empêche de mettre en place une politique de relance et une politique économique plus favorable à l'emploi ;

- l'article 86 du traité qui a été utilisé pour libéraliser tous les services publics en réseau ;

- larticle 133 du traité dAmsterdam qui vise à privatiser les services publics et à préparer le terrain pour lAccord général sur le commerce des services pour accélérer leur remise en cause ;

- la Charte dite des droits sociaux fondamentaux, mais qui ne définit aucun droit réel.

Le nouveau Traité devra assurer :

- le respect de la dignité de tout être humain, en améliorant la Charte des Droits fondamentaux (droit au logement, droit au travail, droit à un revenu minimum), en adhérant à la Déclaration des Droits de lhomme ratifiée par de nombreux pays membres et par le Conseil de lEurope ;

- le bien-être de chaque individu, avec les priorités suivantes :

- égalité des genres (hommes et femmes),

- lutte contre la pauvreté et lexclusion sociale,

- lutte contre toutes les formes de discrimination,

- droits des enfants, des familles et des personnes âgées,

- assurer un accès pour tous à léducation et la formation tout au long de lexistence,

- coordonner les politiques pour assurer un développement durable respectueux de lenvironnement et des espèces végétales et animales,

- protéger la santé de chacun et la santé publique.

- la participation de chaque personne aux décisions qui déterminent son futur :

- démocratie paritaire avec une représentation égale des genres en politique,

- reconnaissance et défense de la représentation des minorités,

- citoyenneté de résidence,

- reconnaissance de la multiculturalité,

- mise en place de mécanismes permettant lexpression de la démocratie participative,

- droit à linformation et garantie de transparence des mécanismes de décision.

- les possibilités de recours en cas de litige pour garantir la justice pour tous.

Le Traité devra aussi reconnaître que ces objectifs ne peuvent pas être atteints uniquement par la voie marchande et que certaines matières nécessitent une approche collective : santé, éducation, culture, environnement, patrimoine commun de lhumanité et accès aux biens et services minimaux d'intérêt collectif.

Lensemble de ces objectifs devrait aussi être intégré dans la politique de sécurité intérieure, à tous les pays candidats, et à la politique étrangère de lUnion européenne, notamment en ce qui concerne laide au développement.

1.- L’UE, entité économique et politique sans légitimité démocratique

Une insatisfaction croissante et partagée des opinions publiques

Dans lEurope que nous voulons, laction du pouvoir contribuera-t-elle à corriger les inégalités économiques et sociales, à redistribuer équitablement une partie des richesses produites ? Contribuera-t-elle à développer légalité des chances, la protection sociale ? A développer les solidarités intra et intergénérationnelles, légalité entre les genres ? A privilégier la lutte contre la criminalité financière et non à prendre des mesures répressives contre les plus défavorisés ? A préserver la nature en favorisant un développement durable ?

Aujourdhui la mondialisation, cela ne marche pas, cela ne marche pas pour les pauvres du monde, dans lUnion et en dehors de lUnion. Le problème nest pas la mondialisation, mais la façon dont elle a été gérée et dont elle pourrait encore être gérée dans lavenir. En particulier par les institutions européennes, économiques et autres, et par les institutions internationales qui contribuent à fixer les règles du jeu ; en effet celles-ci ont trop souvent géré en fonction des intérêts privés au sein des pays développés et parfois aussi au sein de certains pays sous développés ou émergents. Le ressentiment qui en résulte se retourne contre ces institutions et les pays ou les groupes dintérêts qui les ont instrumentalisées à leur profit.

Bien sûr, les missions de l'Union ne sauraient être examinées de manière isolée. Si l'on veut que l'Union puisse agir efficacement et répondre aux attentes de ses citoyens, il convient d'établir un lien entre missions, compétences et instruments, en précisant pour chaque mission et pour chaque objectif la répartition de compétences la plus appropriée et le choix des instruments les plus performants. Encore faut-il définir les objectifs de la performance dune manière explicite et ne pas les détourner de leurs objectifs initiaux.

Dans un premier temps, il convient de définir les valeurs communes de lUnion et ses objectifs. En suite, à partir des différentes missions qui sont confiées à l'Union, de définir les objectifs concrets, préciser l'attribution des compétences, ainsi que les instruments les plus adéquats pour remplir ces missions.

De la dérive économique à la confusion institutionnelle

Après la seconde guerre mondiale, au plus fort du rayonnement de limage des Etats-Unis dans le monde et de la fascination pour lAmerican way of life, Jean Monnet et les pères fondateurs de la Communauté européenne projetaient la construction à terme des Etats-Unis dEurope , dans une perspective fédérale[1]. Ils vont, de fait, adopter des structures dotées dun pouvoir propre, mais circonscrit, institutionnalisant des solidarités économiques liées aux besoins de la reconstruction dun continent dévasté : la CECA (Communauté européenne du charbon et de lacier, 1951) [2] et, plus tard, lEURATOM (Communauté européenne de lénergie atomique, 1957).

Le contexte de la guerre froide et le rejet en 1954, par lAssemblée nationale française, du traité signé en 1952 et instituant une Communauté européenne de défense (CED) mettent fin aux ambitions politiques initiales. Le 25 mars 1957, les traités de Rome créent la Communauté économique européenne (CEE) et lEURATOM. Privilégiant une approche purement économique, le traité CEE prévoit à terme linstauration dun marché commun. Il pose en même temps les bases de ce quon va appeler le triangle institutionnel : la Commission européenne, dont les membres sont nommés par les gouvernements des Etats membres, et qui reçoit la mission de proposer des actes législatifs communautaires ; le Conseil des ministres, qui décide ; lAssemblée de Strasbourg, dont les membres sont, à lorigine, désignés par les Parlements nationaux, et qui dispose dune compétence consultative qui va sélargir au cours de lhistoire. A ce triangle, il faut ajouter la Cour de justice des Communautés européennes, chargée de juger le contentieux né des décisions de ces différentes instances en interprétant les traités et le droit communautaires.

LActe unique européen de 1986 officialise et adjoint à cette architecture le Conseil européen, créé en 1974, qui réunit les chefs dEtat ou de gouvernement, assistés de leurs ministres des affaires étrangères, ainsi que le président de la Commission. Ce Conseil européen définit les orientations générales ainsi que la politique étrangère et de sécurité de lUnion, débat de la situation de lemploi et adopte des recommandations de politique économique.

Dans lensemble, le postulat des pères fondateurs, selon lequel le développement des solidarités économiques ferait naître une Europe politique fédérale a été en partie invalidé. Dun côté, lintergouvernemental a durablement prédominé. De lautre, le marché et une monnaie unique se sont imposés comme formes dunification fédérale non démocratique, progressant dans le secret de décisions gouvernementales, et au détriment dune véritable citoyenneté européenne.

La séparation entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif, propre à toutes les grandes démocraties, est dautant plus confuse au sein du triangle institutionnel initial quelle se superpose dabord à une distinction entre des instances supranationales (la Commission, le Parlement, la Cour de justice) et une instance intergouvernementale (le Conseil des ministres) et que, ensuite, les pouvoirs de ces différents organes vont évoluer au fil du temps.

Le Conseil des ministres se réunit à huis clos la possibilité de débats publics et la publicité de ses votes et de ses délibérations étant prévues dans certains cas avec des hauts fonctionnaires et, selon son ordre du jour, avec les ministres concernés. La Commission est invitée à participer aux sessions, de même que la Banque centrale, à moins que le Conseil nen décide autrement. Les décisions sont prises par les ministres à lunanimité ou à la majorité qualifiée. Le vote à la majorité qualifiée attribue à chaque Etat un nombre de voix déterminé par les traités, ceux-ci fixant également les procédures de vote selon les questions. En 1986, lActe unique a appliqué ce vote à la majorité qualifiée à toutes les questions relatives à la mise en place du grand marché ? Avec des exceptions importantes toutefois : pour toutes les questions concernant la fiscalité, la libre circulation des personnes et certains droits des travailleurs salariés, le vote à lunanimité est exigé. A côté de ces compétences législatives, le Conseil détient aussi des compétences exécutives. Il peut élaborer des règlements dapplication, il propose un budget (désormais adopté en co-décision avec le Parlement) et décide éventuellement de négociations extérieures pour lesquelles il mandate la Commission.

La Commission a des pouvoirs importants, même sils restent tributaires en dernière analyse de laval du Conseil (sauf en matière de concurrence où elle dispose de pouvoirs propres). Alors que les ministres siégeant au Conseil changent souvent et ne se réunissent quoccasionnellement, les membres de la Commission, désignés pour 5 ans par les gouvernements, siègent en permanence. La Commission est dotée :

- dun pouvoir dinitiative : elle est chargée de formuler les propositions de textes législatifs et réglementaires européens, sauf dans des cas limitativement énumérés. Elle peut suggérer une révision des traités, des négociations avec des Etats tiers, etc. Le Conseil ne peut décider que sil est saisi dune proposition de la Commission, sauf, notamment, en matière dUnion économique et monétaire, où la Banque centrale dispose dun pouvoir dinitiative ;

- dun pouvoir dexécution et de gestion des politiques communes, notamment en élaborant des règlements et des directives ;

- dun pouvoir de contrôle : elle est la gardienne des traités et surveille lapplication du droit communautaire. Elle peut déférer à la Cour de justice des Etats quelle juge en infraction par rapport à ce droit communautaire.

Entre 1985 et 1995, Jacques Delors, président de la Commission, sest appuyé sur François Mitterrand et le chancelier Helmut Kohl. Sous sa présidence, la Commission est passée, dans les faits, dun pouvoir dexpertise et de proposition technique à un pouvoir de proposition pleinement politique, sans devenir pour autant assimilable à un exécutif responsable. Elle sest ainsi identifiée à lincarnation dune sorte d’“ intérêt général européen , par opposition aux intérêts nationaux défendus par les procédures intergouvernementales. Cette évolution de son rôle est intervenue dans le contexte économique spécifique du néolibéralisme triomphant des années 1980 : le recours systématique au marché sest imposé comme médiation exclusive pour exprimer un intérêt général communautaire. Dans cette perspective, les pouvoirs accrus de la Commission au service de la concurrence et de la déréglementation sont cohérents avec son renoncement à une politique économique interventionniste privilégiant des priorités sociales.

Ce pouvoir politique de la Commission entériné par les gouvernements nationaux sest concrétisé notamment avec lélaboration de lActe unique européen, qui reprend le Livre blanc de la Commission sur lachèvement du marché intérieur, signé en 1986 et prévoyant un marché unique au 1er janvier 1993. Il se poursuit avec la préparation des textes du traité de Maastricht, signé en 1992, qui organise la mise en place dune monnaie unique, administrée par une Banque centrale européenne indépendante. Autres exemples : les pouvoirs de la Commission en matière de fusion ou en matière de concurrence, celle-ci étant invoquée pour imposer un démantèlement des services publics. En novembre 2001, les négociations qui ont précédé la conférence ministérielle de lOMC à Doha se sont réduites, pour lessentiel, à un face à face entre Pascal Lamy (commissaire européen chargé du commerce extérieur) et son homologue américain Robert Zoellick, certes dûment mandatés - lun par le conseil des ministres chargés du commerce, et lautre par le président des Etats-Unis -, mais loin de tout débat public. De leur côté, les gouvernements des Etats membres ont utilisé cette montée en puissance de la Commission pour en faire un bouc émissaire lorsquils transposent en droit national les directives quelle a certes élaborées, mais quils ont votées, cherchant ainsi à se défausser de leurs responsabilités propres.

On assiste également à une montée en puissance relative du Parlement européen depuis son élection pour un mandat de 5 ans, à partir de 1979, au suffrage universel direct. Jusquau traité de Maastricht, ce Parlement navait essentiellement que des pouvoirs consultatifs et de contrôle. Ses membres peuvent maintenant contraindre la Commission à démissionner sils adoptent une motion de censure à la majorité des deux tiers. Le Parlement dispose cependant de pouvoirs budgétaires non négligeables, puisquil a été doté, en 1970 et en 1975, dun pouvoir damendement, dadoption et de refus en matière budgétaire. LActe unique a introduit une procédure complexe de coopération associant le Parlement au processus de décision, à travers ladoption éventuelle damendements quil présente dans les domaines relevant de la majorité qualifiée. Le traité de Maastricht a étendu ces domaines, tout en introduisant par ailleurs la procédure de codécision qui permet aux parlementaires européens de rejeter définitivement un texte adopté par le Conseil et de légiférer à égalité avec les ministres pour des mesures concernant la recherche, lenvironnement, linformation et la protection des consommateurs, la coopération, la libre circulation des travailleurs, léquivalence des diplômes, la liberté détablissement. Toutefois, restent exclues de cette procédure de codécision les mesures concernant la fiscalité, ainsi que de nombreuses dispositions en matière de législation sociale et de droit du travail.

Malgré cette extension des prérogatives parlementaires, le Conseil, en tant quentité collective incarnant le pouvoir exécutif, nest toujours responsable ni devant ce Parlement ni devant les Parlements nationaux. Par ailleurs, aux dernières élections européennes, en juin 1999, le taux global dabstention a dépassé les 50 %, ce qui ne contribue pas à renforcer la légitimité et le pouvoir des élus.

La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) est dotée de compétences étendues et inédites : elle détient le monopole dinterprétation des traités et de lensemble du droit communautaire. Elle juge les manquements des Etats et, depuis le traité de Maastricht, peut leur infliger des amendes. Elle a tranché sur des questions constitutionnelles et a établi des hiérarchies dobjectifs qui devraient théoriquement relever de choix politiques.

A ces institutions, il faut ajouter des organes comme la Banque centrale européenne (siégeant à Francfort), la Cour des comptes, le Comité économique et social, le Comité des régions, lOffice de lutte anti-fraude (OLAF), le médiateur européen et de nombreux comités dexperts. Les citoyens européens sont ainsi confrontés à des décisions qui relèvent dinstitutions et de registres multiples, allant de laudit dexperts à la sanction juridique, en passant par des choix politiques. Cette confusion explique la vogue, dans les milieux européens, de la notion de gouvernance, pseudo-concept destiné à masquer cette dilution des responsabilités politiques.

Les non-dits de la Convention

Profitant dune clause introduite dans le traité de Nice à la demande de lAllemagne, qui prévoyait une nouvelle conférence intergouvernementale en 2004, le Parlement européen et les Etats les plus fédéralistes ont poussé à la mise en place dune Convention, confirmée lors du Conseil de Bruxelles-Laeken, et chargée de réformer les institutions, de rendre lUnion plus proche des citoyens et d “élaborer un projet de constitution européenne.

Présidée par Valéry Giscard dEstaing, lui-même assisté de deux vice-présidents, Giuliano Amato et Jean-Luc Dehaene, cette Convention comprend 15 représentants des chefs dEtat et de gouvernement des Etats membres, 30 représentants des Parlements nationaux, 16 membres du Parlement européen, 2 représentants de la Commission européenne et 39 représentants des 13 pays candidats à lentrée dans lUnion. Ces derniers ne pourront toutefois pas sopposer à une décision consensuelle qui se dégagerait entre les représentants des membres actuels de lUnion. La société civile dispose de 5 représentants, issus du monde syndical et du Comité économique et social européen, mais qui ne siègent quen qualité dobservateurs.

Une convention, pourquoi faire ?

Remarquons tout d'abord la faible place laissée aux représentants de la "société civile" (5 personnes issues du monde syndical et du Conseil économique et social européen siégeant en qualité d'observateurs). De plus les modalités de consultation, similaires à celles déjà utilisées lors de l'élaboration de la Charte, frisent la caricature et ne permettent en aucun cas qu'un débat réel traversant les sociétés européennes puisse s'instaurer.

Le débat institutionnel, tel quil sest instauré depuis le traité de Nice, confond, à notre avis, la fin et les moyens. Avant de nous interroger sur les institutions, il conviendrait de savoir quel type dEurope nous voulons ; quelles structures certes, mais pour quelles finalités ? Si une Constitution nest pas seulement un ensemble de règles plus ou moins déclamatoires et pratiques, mais un contrat social , comme le rappelle Yves Mény dans Le Monde du 28 février 2002, il faut alors reconnaître quil reste encore un long chemin à parcourir pour préciser le contenu de ce contrat, à travers lexercice dune citoyenneté pleinement démocratique et légitime.

Les prises de position récentes de certains chefs dEtat (Messieurs Aznar, Blair, Chirac), celles de la Commission ( Romano Prodi) et du Parlement montrent clairement quil sagit dun enjeu de pouvoir et dune lutte pour ce pouvoir dans la manière dont chacun envisage lavenir de lEurope.

Les débats autour des trois piliers (un jargon de fonctionnaires qui aurait intérêt à disparaître) le montrent clairement, pour rappel :

- le premier pilier concerne le marché intérieur dont la compétence est communautaire,

- le deuxième pallier concerne la politique étrangère, dont la compétence est celle des Etats mais pour laquelle il y a un Commissaire (Chris Patten) et un haut représentant (Javier Solana). Voilà une source inépuisable de conflits.

- le troisième piller concerne la sécurité et la justice intérieure, dont la compétence est étatique aussi mais dont la coordination a été réactivée à la suite des attentats du 11.09.2001.

Si la Convention européenne tombe dans le travers de discuter des documents intergouvernementaux préparés par des fonctionnaires, elle va sautodétruire.

Le Traité de Maastricht était un texte bancal dans sa conception des trois piliers. La Convention doit faire preuve dimagination, nettoyer toutes les contradictions juridiques entre les Traités européens et les textes approuvés individuellement par les Etats et écouter plus la société civile pour clarifier le débat et ne pas le laisser dans les sphères du pouvoir, de la dominance, de la domination et de la défense des intérêts catégoriels.

Si le citoyen développe souvent à l'égard de l'Union européenne des attitudes paradoxales, on le lui reproche, mais ce nest pas étonnant. Cest parce que :

1- il comprend très bien que les détenteurs du pouvoir se battent comme des chiffonniers, malgré que cela se passe à huis clos, il en mesure les résultats,

2- les débats portent sur des questions qui ne le concernent quau second degré et que les questions qui le préoccupent vraiment ne sont pas abordées.

Oui, il nourrit des attentes auxquelles l'Union ne répond pas. Oui, il a parfois l'impression que l'Union en fait trop dans des domaines où son intervention n'est pas toujours indispensable. Oui, il a limpression que les responsables sont incapables de saccorder sur la politique étrangère et sur la politique de sécurité et de justice (deuxième et troisième pilier).

Légalité et légitimité

La démarcation entre les notions de légalité et de légitimité nest pas toujours évidente. La légalité sincarne dans le droit positif. Elle fixe le cadre institutionnel organisant lexercice du pouvoir et celui de la citoyenneté, en fonction des rapports de forces existant à un moment donné. La légalité du pouvoir est une garantie nécessaire, mais nullement suffisante, quant à sa légitimité démocratique. Ce qui, pour nous, fonde la légitimité démocratique du pouvoir est indissociable de laction accomplie par ce même pouvoir. Comment son action doit-elle contribuer à la fondation dune légitimité démocratique européenne, après plus de vingt ans de politiques néolibérales conduites par des autorités légalement issues des urnes, mais favorables aux forces du marché ?

Dans lEurope que nous voulons, laction du pouvoir contribuera-t-elle à corriger les inégalités économiques et sociales, à redistribuer équitablement une partie des richesses produites ? Contribuera-t-elle à développer légalité des chances, la protection sociale ? A développer les solidarités intra et intergénérationnelles, légalité entre les genres ? A privilégier la lutte contre la criminalité financière et non à prendre des mesures répressives contre les plus défavorisés ? A préserver la nature en favorisant un développement durable ?

Les réformes des institutions européennes qui seront adoptées serviront-elles ces orientations ? La réponse est commandée par une autre question, en amont : le futur cadre légal favorisera-t-il la constitution dun espace public commun de débat ? Placera-t-il les responsables au pouvoir en face de leurs responsabilités propres, sans quils puissent sabriter derrière la contrainte des marchés pour imposer des choix impopulaires, mais éminemment politiques, au service de ces seuls marchés ? Ce cadre légal favorisera-t-il lexercice dune mobilisation citoyenne active, au service dune solidarité accrue, refusant un nivellement par le bas des conditions de vie du monde du travail ?

Pour être efficace, cette mobilisation, dont nous sommes lun des acteurs à part entière, doit à la fois senraciner dans le cadre de chacun des espaces publics nationaux concernés, et se synchroniser en permanence avec ceux qui partagent nos valeurs, nos refus et nos objectifs. Quand on sait, par exemple que, dans le cadre de lEurope des Quinze, près de 70 % des normes techniques appliquées dans les domaines de la protection des consommateurs, de la santé, de lenvironnement, sont édictées à Bruxelles par des comités techniques, sous la pression des lobbies, en dehors de tout débat public, on mesure le chemin qui reste à parcourir pour mettre en place une Union européenne véritablement démocratique dans le cadre de lélargissement à venir.

La construction européenne nous concerne au premier chef, mais elle nest pas seule en cause. Si les dirigeants des grandes puissances sont de plus en plus contraints de tenir leurs rencontres dans des lieux inaccessibles au plus grand nombre, au Qatar ou dans les Rocheuses, cest bien parce que dans un nombre croissant de pays, des femmes et des hommes, de plus en plus nombreux, refusent les politiques néolibérales quon leur impose.

Aujourdhui la mondialisation, cela ne marche pas, cela ne marche pas pour les pauvres du monde, dans lUnion et en dehors de lUnion. Le problème nest pas la mondialisation, mais la façon dont elle a été gérée et dont elle pourrait encore être gérée dans lavenir. En particulier par les institutions européennes, économiques et autres, et par les institutions internationales qui contribuent à fixer les règles du jeu ; en effet celles-ci ont trop souvent géré en fonction des intérêts privés au sein des pays développés et parfois aussi au sein de certains pays sous développés ou émergents. Le ressentiment qui en résulte se retourne contre ces institutions et les pays ou les groupes dintérêts qui les ont instrumentalisées à leur profit.

Bien sûr, les missions de l'Union ne sauraient être examinées de manière isolée. Si l'on veut que l'Union puisse agir efficacement et répondre aux attentes de ses citoyens, il convient d'établir un lien entre missions, compétences et instruments, en précisant pour chaque mission et pour chaque objectif la répartition de compétences la plus appropriée et le choix des instruments les plus performants. Encore faut-il définir les objectifs de la performance dune manière explicite et ne pas les détourner de leurs objectifs initiaux.

Dans un premier temps, il convient de définir les valeurs communes de lUnion et ses objectifs. En suite, à partir des différentes missions qui sont confiées à l'Union, de définir les objectifs concrets, préciser l'attribution des compétences, ainsi que les instruments les plus adéquats pour remplir ces missions.

L’objectif de l’Union

Lobjectif de lUnion est la paix à lintérieur de lUnion et la paix à lextérieur de lUnion dans la mesure de ses moyens et en vertus de ses valeurs. Lhumain et son développement à long terme dans le cadre de son environnement doivent être les valeurs centrales tant à lintérieur quà lextérieur. Atteindre les objectifs en fonction de ces valeurs centrales est plus facile à lintérieur de lUnion quà lextérieur, ce doit donc être la première priorité. La place de lUnion dans le monde dépend aussi des valeurs des autres régions et peuples du monde et de linteraction de lUnion avec ceux-ci, la recherche dun objectif commun et dun consensus à ce propos sera plus difficile, cela constituera donc une deuxième priorité, plus facile à atteindre lorsque lEurope pourra servir de référence et éventuellement de modèle pour inspirer les choix des autres régions et peuples dans le cadre de relations mondiales plus harmonieuses.

La paix à l’intérieur de l’Union

La paix à lintérieur de lUnion passe par le respect des Droits fondamentaux, la justice sociale et la sécurité des personnes et des biens.

Si le Traité constitutionnel devait énoncer les principes sur lesquels l'Union repose et qui doivent encadrer l'ensemble de son action, ces principes ont trouvé un début dexpression dans la Charte des droits fondamentaux qui est insuffisante et qui devra donc être améliorée et ensuite intégrée dans le Traité constitutionnel.

Les missions de l'Union européenne

Les traités assignent déjà à l'Union des missions et des objectifs ambitieux en apparence, mais parfois contradictoires. Une actualisation de ces missions à la lumière de l'évolution du contexte international et de l'Union s'avère donc indispensable.

Ces missions qui devraient répondre aux attentes des citoyens devraient être regroupées dans le traité constitutionnel et s'articuler autour des axes suivants :

- Garantir dans l'espace commun et promouvoir à l'extérieur le respect de l'Etat de droit, de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- Garantir et développer, au sein d'un marché unique et d'une union économique et monétaire, un modèle de société européen visant à assurer une croissance économique équilibrée, le progrès social, le plein emploi, la qualité de la vie et le développement durable, ainsi que la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les Etats membres et les Régions ;

- Garantir et développer un espace commun de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel la libre circulation des personnes est assurée ;

L'organisation des compétences

Avant de se pencher sur lorganisation des compétences, il faut sans doute rappeler les principaux reproches faits à la construction européenne et qui sont consignés dans la déclaration de Laeken : le manque de démocratie et le manque de transparence.

Une mise en lumière des principaux dysfonctionnements des Institutions européennes permet de mieux comprendre la manière dont on doit les réformer pour répondre aux besoins de démocratie et de transparence.

La Commission

Deux reproches principaux peuvent être faits à la Commission :

1- du point de vue de la démocratie : le respect des Droits fondamentaux, de la justice sociale et de la sécurité des personnes et des biens ne sont pas organisés dans le marché intérieur en tenant compte des intérêts de tous. En particulier la Commission ne fait pas la différence entre les différents besoins des citoyens, la différence de nature de ces besoins et léquité ou la justice dans les réponses qui y sont données.

La Commission ne tient pas compte de lexistence :

- 1) de besoins individuels,

- 2) de besoins spécifiques de certaines catégories de personnes (répartition et protection),

- 3) de la masse des effets induits (nuisances et pollutions),

- 4) des besoins collectifs.

La Commission privilégie systématiquement les solutions marchandes aux détriments des solutions non marchandes, la privatisation aux détriments des interventions des services collectifs ou publics.

2- du point de vue de la transparence : la Commission se met à lécoute privilégiée des groupes de pression européens ou non européens qui défendent des intérêts privés et marchands (UNICE, ERT, TABD, EFS, ICC, etc). Ces contacts sont privés, occultes, parfois secrets. Il en résulte que linfluence quils ont sur les décisions rendent celles-ci non démocratiques. Il y a un aléa moral et un détournement de la finalité de la Commission qui est censée défendre lintérêt général et non pas des intérêts particuliers. Ceci est particulièrement vrai lorsque la Commission négocie dans le cadre dinstitutions internationales telles que lOMC. Ceci vaudra aussi si la Commission est amenée à parler au nom de lUnion au sein dautres institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OCDE, Conseil de sécurité de lONU, ...).

Le Conseil

Les deux mêmes reproches principaux peuvent être faits au Conseil :

1- du point de vue de la démocratie : le respect des Droits fondamentaux, de la justice sociale et de la sécurité des personnes et des biens ne sont pas organisés dans le marché intérieur en tenant compte des intérêts de tous. En particulier le Conseil ne fait pas respecter léquité ou la justice dans les politiques économiques, fiscales et sociales. Les membres du Conseil privilégient systématiquement les intérêts nationaux aux détriments des intérêts communautaires, ils défendent ou instaurent des avantages économiques, fiscaux aux détriments des intérêts communautaires et de la justice sociale. Ils organisent la protection des délinquants nationaux, surtout lorsquil sagit de délinquance en col blanc. Lhypocrisie est particulièrement insoutenable lorsquil sagit de protéger les paradis fiscaux et judiciaires sur le sol national ou dans des territoires sous leur autorité.

2- du point de vue de la transparence : le Conseil organise la circulation de linformation par la voie diplomatique, soit par des conversations privées, occultes, parfois secrètes. Il en résulte que les Parlements nationaux ne sont pas en mesure dexercer le contrôle qui est de leur responsabilité démocratique. Il y a un un détournement de la démocratie. Ceci est particulièrement vrai lorsque le Conseil délègue une partie de son pouvoir à des sous Conseils spécialisés tels quECOFIN où ne se retrouvent que des ministres des finances, ou Conseil de lagriculture, ou Conseil du commerce extérieur. Chaque fois, les intérêts catégoriels passent avant lintérêt de tous. Cest dautant plus dommageable que les intérêts sont liés les uns aux autres. Ainsi ECOFIN défend de préférence les intérêts de la communauté financière et des entreprises aux détriments des intérêts économiques et sociaux des travailleurs ou dautres catégories de populations (étudiants, pensionnés, demandeurs demploi, etc). Il faut bien se rendre compte que cette approche spécialisée ne pourra jamais construire déquilibre au sein de lEurope si dautres objectifs que les objectifs présents doivent être mis en oeuvre. Pour être clair, il faut casser lapproche fonctionnelle et spécialisée et mettre en place une approche multifonctionnelle et garante de lensemble des intérêts. Il faut remplacer ECOFIN par un conseil qui prenne en compte la politique économique et sociale (et éventuellement la politique industrielle) et non la politique économique et financière, ECOSOC en quelque sorte.

Ceci est vrai aussi lorsque les Etats sont représentés dans les institutions internationales telles que le FMI, la Banque mondiale, lOCDE, lOIT, lassemblée générale de lONU, etc[3].

Le Parlement

Le Parlement, tel quil est constitué aujourdhui, nest pas un Parlement européen, il nest que la somme délus nationaux ou régionaux, souvent élus sans quil y ait de programme européen proposé aux électeurs. Cela se remarque dans les votes des députés qui sont sensés faire partie des mêmes sensibilités politiques.

Pour que le Parlement devienne européen, il faudrait des programmes communs entre différents partis et pays européen, une plate-forme de base minimum et des listes communes dans tous les pays, pour que les citoyens puissent voter pour un programme et des personnalités européennes. Ceci est dautant plus vrai si on soriente vers un système bi-caméral : un Parlement et une chambre des Etats ou des régions.

Le Comité Economique et Social

Les analyses de limpact des politiques européennes sur le progrès vers un développement humain durable devrait être de la responsabilité du Comité Economique et Social Européen et non plus de la Commission. Le CES doit devenir un organe de constat, de délibération à côté de la Commission qui sera renforcée dans son rôle de contrôle de lexécution des Traités. La société civile représentant les acteurs qui ne sont pas directement impliqués dans les relations de travail devraient y être renforcés. Un Conseil économique et social modifié, donnant moins de place aux groupes I et II (entreprises et syndicats) et plus de place au groupe III, dont la définition devrait être revue, pourrait jouer un rôle de consultation essentiel. Il enlèverait la possibilité aux lobbies patronaux dinfluencer directement la Commission et donnerait la possibilité à la société civile de faire valoir son avis en dehors des revendications catégorielles et des partis politiques. Cela ouvrirait considérablement les modalités de communication dans une société post-moderne en permettant de faire le constat que :

- les liens sociaux sont devenus très lâches, mais aussi très nombreux, très médiatisés (donc moins lisibles) et très variés,

- la solidarité a suivi la même évolution et quelle est donc commutative, que son expression est à échelle variable, quelle a besoin de sexprimer dans le réel mais que ses objets sont à la fois réels et virtuels et que la distinction est d plus en plus difficile, surtout dans les classes les plus jeunes de la population,

- la morphologie de la société est de plus en plus réticulaire (en réseaux), tant sur le plan régional que sur le plan des comportements et de centres dintérêt. Sur le plan des comportements, elle est plus réflexible que hiérarchique, lindividu réagissant par rapport à un groupe de référence et moins par rapport à un groupe dautorité. Cest un truisme de dire que le rapport à lautorité sest profondément modifié et que les institutions ont du mal à travailler dans ce nouvel environnement.

- les régulations ne se font plus uniquement au niveau de lEtat et des lois mais aussi au travers de systèmes subsidiaires, de partenariats, de contrats, de prise en compte de lopinion publique (mais les autorités en ont une mauvaise lecture), linformel et limplicite prennent parfois le pas sur le formel et lexplicite

- si lactivité économique met en évidence la société de lintelligence, et surtout de lintelligence cognitive, celle-ci ne saurait être réduite à cette seule dimension cognitive. La créativité ne procède pas, sinon en mode mineur de cette dimension, la place de toute lintelligence doit donc être assurée. Ses diversités et ses caractères hybrides, notamment au travers des multi-appartenances sociales et culturelles, doivent être favorisées

- une place doit être trouvée pour les agglomérations, les régions, les pays (petits ou grands), les Etats-Providences (nations ou régions), les organisations supra-nationales internationales non gouvernementales, ce que lon nomme communément la culture aussi.

La diversité et la complexité de la société post-moderne ne doivent pas seulement être constatée et décrite (parfois avec certains soupirs, faute de compréhension), elle doit aussi pouvoir être structurée à nouveau et sexprimer dans un cadre plus libre que le cadre rigide des institutions formalistes et décisionnaires.

Quel rôle merveilleux pour le CES, qui nest quun organe consultatif, mais un organe consultatif qui pourrait prendre là toute son importance morale et comme outil de communication de la civilisation européenne. Donnons-lui cette chance.

Les Etats non-membres de lUnion et les ONG de pays non-membres de lUnion devraient pouvoir être y entendues aussi lorsquils estiment que les mesures prises par lUnion portent atteinte à leurs droits à un développement humain durable.

Le Comité économique et social ferait rapport au Conseil et au Parlement. Les rapports seraient adoptés selon une règle assurant une majorité large, mais pas lunanimité.

BCE

La Banque centrale européenne ne peut pas conserver ses prérogatives dindépendance actuelle, elle fait jouer un rôle économique, financier et social à lUnion, qui ne lui laisse que peut de flexibilité. La BCE se limite à défendre les intérêts des milieux financiers en se concentrant sur la lutte contre linflation. Cette disposition enlève toute flexibilité aux véritables pouvoirs politiques, exécutifs et démocratiques de lUnion.

2.- La politique économique et la politique monétaire

Depuis le 1er janvier 1999, la Banque centrale européenne (BCE) est linstitution publique en charge de la politique monétaire des 12 pays ayant adopté leuro, dabord comme monnaie officielle utilisable dans les transactions financières, puis, à partir de 2002, comme monnaie dite fiduciaire, pour toutes les transactions dans la zone des 12 pays. Lobjectif officiel unique de la BCE est de contenir la hausse des prix, qui ne doit pas dépasser 2 % par an. Il a été fixé par les Etats signataires du traité de Maastricht et du Pacte de stabilité.

Alors que la monnaie est un des instruments de la politique économique, l'indépendance de la BCE signifie, de fait, que les peuples de l'Union ne peuvent plus peser sur les grandes orientations économiques.

Le carcan du traité de Maastricht et du Pacte de stabilité

Linstrument principal de la politique monétaire est la variation du taux dintérêt directeur de la Banque centrale, celui des prêts aux banques membres du système monétaire intérieur à la zone euro. Une hausse de ce taux signifie que, devant le risque dinflation, la Banque centrale veut freiner le crédit en le rendant plus onéreux, Une baisse du taux indique quun ralentissement de la croissance ou une récession rendent nécessaire le soutien de lactivité économique par le crédit bancaire aux entreprises et aux ménages ; cest aussi un soutien pour les marchés financiers dont les titres sont valorisés quand les taux dintérêt sont moins élevés. Il faut cependant noter que linfluence des Banques centrales sur les activités des banques membres a diminué, avec la déréglementation du crédit, les privatisations, et lessor des marchés financiers. Les grandes banques tirent leurs plus gros profits dopérations financières sur titres, de commissions sur les fusions de sociétés, ou de prêts spéculatifs à très court terme en devises fortes aux pays émergents.

Une banque centrale inefficace

Quoiquil en soit, cest le maniement défectueux de ce taux dintérêt central depuis 1999 qui est reproché à la BCE. On passera ici sur les discussions théoriques concernant son orientation trop monétariste . Les critiques concernent :

- la préoccupation unique de linflation, au détriment de la croissance et lemploi ;

- la fixation dune limite de hausse des prix à 2 %, ce qui est beaucoup trop restrictif et rigide ;

- la lenteur et la faiblesse de la baisse du taux central quand il y a ralentissement ou menace de récession économique en Europe, comme en 2001.

Ces critiques sont fondées. Mais elles ne peuvent avoir deffets pratiques que si elles sen prennent également au carcan du traité de Maastricht et du Pacte de stabilité, dont sont issus lobjectif unique de la Banque centrale lutter contre linflation et le seuil des 2 %. En relation avec une réduction des déficits publics - à moins de 3 % du produit intérieur brut (PIB) - des Etats membres, et lobjectif dun déficit public zéro, quelle que soit la conjoncture économique, le Pacte de stabilité prévoit des sanctions financières contre les Etats ne respectant pas les critères de Maastricht.

Dans les faits, les normes quantitatives de stabilité ont été dépassées dans la zone euro en 2001. La hausse des prix sest révélée un peu supérieure à 2 %. Surtout, lAllemagne, en récession, frôle les 3 % du PIB de déficit budgétaire, mais son gouvernement a obtenu de ne pas être sanctionné. Cela indique que les strictes normes de stabilité ont bien davantage un caractère politique quune justification macro-économique.

Pour la politique monétaire européenne, ladjonction dun objectif de croissance et plein emploi à celui de la stabilité relative des prix est une réforme souhaitable, ainsi que la suppression du seuil dinflation de 2 %. Mais on ne peut les dissocier de la demande dun abandon officiel, par les Etats membres, des critères du Pacte de stabilité.

... qui outrepasse ses prérogatives

La BCE tend à intervenir sur tous les aspects de la politique économique et sociale. Au nom de la défense de l'Euro et de la stabilité des prix, elle adresse régulièrement des remontrances aux gouvernements de l'Union porteurs pourtant de la légitimité politique. Elle demande constamment lassouplissement du marché du travail dans les Etats membres, où les travailleurs resteraient excessivement protégés ! La politique anti-inflationniste préconise ainsi la discipline du marché pour lemploi et les salaires, et privilégie les intérêts des possesseurs dargent.

Des choix politiques

La rigueur anti-inflationniste de la BCE est un héritage du Système monétaire européen né en 1979 et dominé par limportance internationale du mark et la politique anti-inflationniste de la Banque centrale allemande. Cest pour respecter une discipline monétaire sexerçant à travers le taux de change que le tournant de la politique, dit de la rigueur , a été pris : plutôt que quitter le SME, les gouvernements ont décidé dy rester, pour une monnaie forte , et au prix du chômage qui a frappé durement les salariés. La contrainte du SME fut une sorte dadaptation aux pays dEurope continentale, des révolutions conservatrices britannique et américaine (Thatcherism et Reagonomics), qui ont comporté de brutales mesures de politique monétaire restrictive entre 1979 et 1982.

Ces politiques monétaires anti-inflationnistes contribuèrent fortement à lessor ultérieur de la finance et du pouvoir de largent : linflation risque de déprécier les actifs financiers détenus par les créanciers et de perturber les Bourses. Elles furent en même temps défavorables au salariat et à la protection sociale.

Lidéologie économique dominante, au moins jusquen 1998, privilégia la relation entre hausse excessive des prix et plein emploi. Elle popularisa lidée quil existe un taux de chômage permettant la stabilité relative des prix, propre à chaque pays (le NAIRU[4] anglo-saxon). Aux Etats-Unis il serait denviron 5 % ; en France de 9 %. Cela voulait dire que le plein emploi, en stimulant des hausses de salaires, était inflationniste. Ainsi, cest sur le salariat quétait reportée la responsabilité principale de linflation. Quand la Fed américaine a fortement augmenté son taux directeur en 2000, elle a invoqué les hausses des salaires résultat du quasi-plein emploi. La BCE, de son côté, demande constamment lassouplissement du marché du travail dans les Etats membres, où les travailleurs resteraient excessivement protégés ! La politique anti-inflationniste préconise ainsi la discipline du marché pour lemploi et les salaires, et privilégie les intérêts des possesseurs dargent.

Cependant, avec la récession, cest le risque de baisse excessive des prix qui est apparu en 2001. Il en va de même au Japon, lune des trois premières puissances économiques mondiales, où la Banque centrale utilise tous les moyens en son pouvoir, comme la réduction à zéro de son taux central dintérêt, Quant à la valeur externe de la monnaie japonaise, le yen, son taux de change par rapport au dollar a beaucoup baissé, ce qui pourrait favoriser les exportations, et, en augmentant les prix des produits importés, contribuer à stopper la déflation des prix intérieurs.

Taux de change et hiérarchie monétaire internationale

La question du taux de change pose un nouveau problème pour la politique monétaire. En principe, les Banques centrales ne soccupent que de la valeur intérieure de leur devise, le taux de change relevant de la responsabilité des ministres des finances. Cependant, les grandes Banques centrales agissent ponctuellement entre elles, par lachat et la vente de telle ou telle monnaie étrangère, éventuellement contre leur propre devise. Ainsi, en juin 1998 la Fed américaine a soutenu le yen, dont le taux de change contre le dollar baissait excessivement ; elle la fait en vendant des dollars et en achetant des yens. A lautomne 2000, cest le taux de change de leuro par rapport au dollar qui a été soutenu de la même façon. Ces interventions ponctuelles ne sont pas revendiquées, puisque ce sont en principe les marchés privés qui, depuis les années 1970, fixent le taux de change des trois principales monnaies mondiales : le dollar, largement en tête, leuro (qui a remplacé le mark) et le yen.

Mais il arrive que le dollar soit jugé trop fort (en 1985-1987) ou que, au contraire, le gouvernement américain veuille un dollar fort (depuis 1995) par rapport aux deux autres monnaies principales. Des mesures sont alors prises officiellement, comme en 1985/87, ou, dans la pratique, de façon consensuelle. Cette coopération monétaire entre grandes puissances nempêche pas les rivalités : leuro na-t-il pas été parfois présenté comme un concurrent du dollar ? Cependant, au plan monétaire, il y a de fait un G3 impérial, dominé par les Etats-Unis.

La politique monétaire de la BCE sinscrit dans ce contexte de hiérarchie internationale, qui se combine avec la fixation privée des taux de change par les marchés. Une régulation officielle des taux des trois grandes monnaies, même très souple (bande de fluctuations tolérables), est exclue par les Etats-Unis, et les timides suggestions françaises ou allemandes allant en ce sens, à lautomne 1998, ont été vite enterrées au nom de la concurrence. Les marchés sont spontanément favorables au meilleur : le dollar. Cependant, en cas de crise comme celle du 11 septembre 2001 les Banques centrales les plus importantes prennent toutes des mesures ponctuelles de soutien au billet vert.

Lhégémonie des grandes monnaies, dollar en tête, est particulièrement défavorable aux pays du Sud, où éclatent des crises de la monnaie nationale dépendante des crédits étrangers en monnaies fortes et à taux dintérêt élevés En demandant à tous les Etats de taxer les opérations de change à court terme pour lutter contre la spéculation sur les monnaies, la taxe de type Tobin serait une réforme positive, à la fois contre linstabilité des monnaies et contre les prérogatives monétaires des grandes puissances. Dautres mesures sont à proposer, en relation avec le changement dorientation de politique européenne actuelle.

Propositions

1- Poursuivre la réflexion sur la hiérarchie internationale des monnaies et le régime des taux de change flottants. La domination du Nord sur le Sud passe aussi par celle des grandes devises sur les monnaies dépendantes. Il serait opportun de faire connaître et discuter les propositions de Keynes formulées en 1943-44. Des tentatives de formation de monnaies régionales seraient à étudier. Leuro est parfois pris comme un modèle de monnaie régionale, sans discussion de ce quil représente par rapport au régime monétaire international actuel, et sans critique des marchés des changes.

2- Contester la notion dindépendance de la BCE, et des Banques centrales en général. Cette indépendance signifie que toute Banque centrale doit mener une politique de stabilité de la monnaie sans prendre en compte la politique des finances publiques, cest-à-dire contre les dépenses de lEtat, le déficit budgétaire et lendettement public, quand ceux-ci sont jugés excessifs. Mais, en revanche, aucune limite nest fixée à lendettement privé et à la liberté des marchés financiers. Ainsi lindépendance de la Banque centrale revient à donner un espace de liberté supplémentaire à la finance privée vis-à-vis de la finance publique.

3- Réfléchir sur ce que devrait être une politique publique du crédit, par rapport à la politique monétaire. Les deux sont différentes : alors que la politique monétaire surveille la valeur de la monnaie et manie un taux dintérêt directeur de portée générale, le crédit public dépend du Trésor, cest-à-dire des finances publiques : il se spécialise dans certains domaines, avec des taux et une fiscalité sélectifs, et des Fonds ou autres institutions spécialisées.

4- Faut-il proposer, pour pallier la menace de récession, et pour soutenir les investissements dintérêt collectif, la création dun (ou de plusieurs) Fonds public(s) au plan national, et /ou au plan européen ? Faut-il aussi revenir sur la privatisation des banques, qui contamine aujourdhui en France les Caisses dépargne et la Caisse des dépôts ?

5- La BCE agit dans le cadre daccords européens dont la critique doit se poursuivre. Elle est actuellement la seule institution publique dont lobjet est commun à tous les habitants des 12 pays de la zone euro. Un marché, une monnaie , disait la Commission européenne en 1987. En 2002, cette conception essentiellement mercantile est insoutenable. Il ne sagit pas seulement de rééquilibrer les pouvoirs, par la formation de finances publiques européennes, à coté de la BCE indépendante, mais de changer lorientation des politiques de lEurope.

3.- A la recherche de l’Europe sociale dans les biais et les contradictions

Sous le signe de la déréglementation

On peut concevoir deux grandes méthodes pour la construction européenne : la voie de l'harmonisation cherche à faire converger vers le haut les règles et normes sociales ; la voie de la déréglementation organise au contraire une mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux au sein du nouvel ensemble. C'est cette dernière voie qui a été choisie de manière parfaitement explicite avec l'Acte unique de 1986, qui instaure un marché unique et déprotège les marchés publics. Les traités ultérieurs (Maastricht, Amsterdam et Nice), ainsi que la pratique des institutions européennes, ont précisé cette orientation et en ont dégagé la philosophie, qui tourne autour des principes suivants :

- impulsion et organisation, à travers Livres verts et directives, dun mouvement général de privatisation des services publics ;

- refus de toute politique industrielle conséquente, au profit d'une politique de concurrence qui s'oppose systématiquement à la constitution de pôles européens ;

- budget communautaire minimal, plafonné à 1,27 % du PIB, limitation des fonds structurels et mise en concurrence des fiscalités directes ;

- conception hiérarchique des fonctions étatiques supranationales : une monnaie commune, avec la BCE, mais pas de droits sociaux formulés et garantis au niveau européen, sinon une Charte des droits fondamentaux définis a minima.

Le salaire comme variable d’ajustement

Le maniement du taux de change servait à ajuster des réalités économiques différentes du point de vue de la conjoncture et de l'inflation. Dorénavant, l'ajustement par les taux de change n'est plus disponible, ce qui va créer une rigidité nouvelle. Si les taux d'inflation entre les pays de la zone euro se mettent à diverger, le seul remède pour les pays à inflation plus rapide, face à la perte de compétitivité qu'elle entraîne, sera de freiner leur croissance ; le risque est grand que s'installe une tendance générale à s'aligner sur les (gros) pays à faible inflation et à croissance médiocre. Pour qu'il en soit autrement, il faudrait supposer que les dynamiques économiques nationales se soient parfaitement unifiées, ce qui n'est évidemment pas le cas.

La construction européenne ne comporte aucune règle viable d'évolution des salaires. Celle-ci devrait refléter la diversité des situations en matière d'économie et d'emploi dans les Etats membres. La seule règle rationnelle et coopérative consisterait à dire que les salaires doivent augmenter au rythme de la productivité du travail. Mais rien n'est fait pour la mettre en place, et, en son absence, la monnaie unique devient un instrument disciplinaire adéquat aux préceptes néolibéraux. C'est une garantie à peu près irréversible contre le retour au laxisme monétaire et à l'inflation, et plus précisément encore contre les dérapages salariaux. La priorité accordée à la faible inflation contribue ainsi à reproduire la nouvelle norme salariale qui se résume au maintien du pouvoir d'achat salarial.

Une embellie possible

Depuis le Conseil européen de Luxembourg, en novembre 97, poursuivi par celui de Lisbonne, en mars 2000, lUE a décidé de développer des politiques communes pour lemploi. La Commission a développé une stratégie européenne, publié des lignes directrices pour ces politiques, et les quatre piliers évoqués dans ce document sont :

- employabilité ou augmentation de la capacité dinsertion professionnelle,

- esprit dentreprise,

- adaptabilité,

- égalité des chances, qui va au-delà de la seule égalité professionnelle.

Les gouvernements doivent présenter chaque année un plan national daction pour lemploi, conforme à ces orientations. Le plein emploi est même redevenu un objectif européen ambitieux : un taux demploi égal à 70 % dans tous les pays de lUnion en 2010.

Cela pourrait a priori paraître une bonne nouvelle pour tous ceux qui critiquent le caractère exclusivement financier, monétaire et libéral des politiques européennes. Malheureusement, les orientations politiques adoptées sont loin de viser un plein emploi de qualité . Elles favorisent au contraire le développement des emplois flexibles, précaires et mal rémunérés, promus seule alternative au chômage. Le temps partiel, subi ou voulu , faute déquipements collectifs pour la petite enfance, progresse, mais demeure largement réservé aux femmes. Les emplois à durée limitée se développent partout, pour permettre aux entreprises de reporter le risque entrepreneurial sur les salariés. Les emplois à bas salaires, souvent démunis de protection sociale, se multiplient au non de linsertion .

Lobjectif central de taux demploi de 70 % concerne la population de 15 à 65 ans : lUnion européenne préconise donc explicitement le travail des adolescents le travail des enfants existe en son sein, et pas uniquement au Royaume Uni et des personnes de 60 à 65 ans !

La Commission, au nom de la soutenabilité des régimes de retraites, veut empêcher toute augmentation des dépenses de retraite, malgré la hausse générale de la part des retraités dans la population totale. Elle prône donc la réduction des pensions et le recul de lâge de la retraite. Elle a été entendue au Conseil européen de Barcelone de mars 2002 où les chefs dEtat et de gouvernement ont décidé daugmenter de 5 ans lâge moyen de départ à la retraite dici 2010. Les lignes directrices des politiques demploi, outre lincontestable objectif dégalité professionnelle, préconisent l’“esprit dentreprise, l’“adaptabilité et l’“employabilité : elles rejettent donc la responsabilité du chômage sur les individus, au lieu de sattaquer aux politiques économiques restrictives qui engendrent et perpétuent le chômage de masse.

Que les pays de lUnion joignent leurs efforts pour lutter contre le chômage et lexclusion[5] est une fort bonne chose. Mais il faut radicalement réorienter les objectifs et les moyens actuellement privilégiés. Les priorités doivent être données à la lutte contre le chômage et au développement de lemploi de qualité ou convenable, à la réduction de la précarité et de linsécurité laborieuse, à la non-conditionnalité de la protection sociale pour les chômeurs et les personnes en marge du marché du travail.

Refus de politiques structurelles d'harmonisation

La réduction au minimum des fonds structurels rend impossible lharmonisation vers le haut des systèmes de protection sociale qui impliquerait une augmentation des transferts vers les régions ou pays socialement attardés. La politique de concurrence et la logique de privatisation sopposent à de véritables politiques structurelles. Plutôt que de coordonner les services publics existants, dans des domaines comme lénergie, les transports ou les communications, on préfère les privatiser et les placer dans une relation de concurrence. Sous prétexte defficacité, on exclut ainsi, sans aucun débat, la possibilité même de politiques coordonnées qui permettraient, par exemple, de corriger la priorité donnée au transport routier, ou de planifier la sortie du nucléaire.

Là résident les causes fondamentales d'un impossible élargissement vers l'Est et le Sud sur des bases de progrès : l'hétérogénéité croissante de l'Union impose davantage de politiques structurelles et de fonds de cohésion, davantage de moyens alloués à des objectifs communs de développement et de droits et non moins ; elle impose de préserver les moyens budgétaires des pays candidats et d'élargir ceux de l'Union et non l'inverse ; elle impose des procédures politiques démocratiques de choix dans la hiérarchie des objectifs et dans les moyens adéquats aux fins déterminées en commun et non un droit absolu de la concurrence et une règle universelle et destructrice de privatisation généralisée.

Après l'embellie, le risque de la récession provoquée

Leuro est né sous le signe d'un paradoxe : la conjoncture favorable à sa mise en place résultait d'un relâchement des préceptes néolibéraux, et non de leur application rigoureuse. L'économie européenne a bénéficié d'une dévaluation compétitive de fait (avec la hausse du dollar), d'une moindre rigueur budgétaire, et d'une relance de la consommation salariale, par freinage de l'inflation et reprise de l'emploi. Lembellie qui sen est suivi a permis doublier le fameux Pacte dit de stabilité et, par antiphrase, de croissance , signé à Amsterdam en juin 1997 et qui fixe la règle du jeu en matière de politique économique. Cette parenthèse est en train de se refermer en raison d'une perte de dynamisme des exportations et de la consommation intérieure : la mise en place de l'euro n'a pas mis l'Europe à l'abri du retournement de conjoncture aux Etats-Unis, et le biais néolibéral a empêché que soit sérieusement explorée la voie d'une relance cordonnée.

Que faire alors en cas de récession ? Tous les économistes raisonnables savent que l'application du Pacte de stabilité conduirait à accentuer les effets dune éventuelle récession en freinant des quatre fers quand il faudrait au contraire soutenir la demande. Le débat autour de cette question devrait être mené publiquement, mais il ne sort pas des réunions de l'Eurogroupe, où les ministres des finances essaient de se concerter avec le directoire de la BCE. Tout semble indiquer, par ailleurs, que la Commission européenne, chargée de fait du guidage de la politique économique, va s'obstiner dans la réaffirmation du dogme. Par exemple, elle vient de dénoncer à nouveau ces fameuses rigidités structurelles qui continuent de miner la réactivité et la croissance potentielle de l'économie de la zone euro . Elle prétend même détenir des preuves empiriques établissant que la bonne santé de l'économie est corrélée au niveau de développement de son système financier .

L'emploi au second plan

Le traité dAmsterdam avait pris le pari de concilier les critères financiers et budgétaires de mise en place de l'euro, pérennisés par le Pacte de stabilité, et des politiques favorables à l'emploi. Un système de plans nationaux pour l'emploi a été mis en place, et des objectifs spécifiques ont été assignés, privilégiant l'augmentation du taux d'emploi plutôt que la baisse du taux de chômage. Mais, là encore, la fin de lembellie nous ramène à la situation incertaine du milieu des années 1990. Il existe un conflit d'objectifs entre, d'une part, la rigueur monétaire et financière, et, d'autre part, le soutien de l'activité. Comment doit-on arbitrer, et qui va le faire, entre inflation et emploi ? Le blâme adressé à l'Irlande, coupable d'inflation (à moins de 5 %) alors qu'elle a fait descendre son taux de chômage en dessous de 4 %, est une indication très claire sur l'ordre des priorités : lemploi vient en second.

Vide institutionnel

L'absence d'instruments de coordination entre les politiques économiques de chaque pays crée un vide institutionnel, par ailleurs cohérent avec la déréglementation financière. Bientôt cinq ans après le sommet d'Amsterdam de juin 1997, on ne trouve toujours aucun élément de ce gouvernement économique dont Lionel Jospin avait fait l'une des conditions de la signature de la France. On apprend de deux experts, dont l'engagement européen ne saurait être mis en doute[6], que lUnion européenne ne dispose ni de charte de politique économique , ni dun exécutif collectif . Dès lors, rien ne garantit la prévisibilité des politiques économiques , ni ne permet de mieux articuler procédures communautaires et décisions nationales ; on ne dispose ni dune véritable politique de change , ni dune stratégie monétaire pour lélargissement .

La construction économique européenne est donc bancale et tronquée. Il n'est même pas possible, dans ces conditions, d'imaginer une division des rôles qui attribuerait la politique monétaire à la BCE et la politique budgétaire à chaque gouvernement : le corset monétaire est assez puissant pour réduire l'autonomie des politiques budgétaires. Et lon en vient à théoriser, sur la base de ce constat de carence, l'élargissement des responsabilités de la BCE et la perte d'autonomie budgétaire : Cette croissance ne viendra pas d'une gestion autonome de la demande. Il serait en effet illusoire de s'y engager, alors que l'instrument monétaire a été mis en commun par les participants à l'Union monétaire. La règle du jeu macro-économique est désormais claire : c'est à la BCE qu'il revient de piloter la demande globale pour l'ensemble de la zone, et les gouvernements nationaux ne doivent, par rapport à cette référence, que procéder à des ajustements à la marge, en fonction de l'écart entre leur situation conjoncturelle et celle de la zone prise dans son ensemble. Ces ajustements peuvent être importants conjoncturellement, mais pas à moyen terme [7].

Lutter contre le chômage et pour un plein-emploi de qualité

Lobjectif dun taux demploi de 70 % est largement arbitraire. Il reflète une conception instrumentale de lêtre humain, considéré comme une simple ressource de main-dœuvre. Autant il faudrait soutenir concrètement les aspirations de toutes les femmes et de tous les hommes qui souhaitent trouver un emploi, autant il est absurde de décréter un taux uniforme pour tous les pays de lUnion. Pourquoi 70 % et pas 78 ou 82 % ?

On pourrait penser que lobjectif actuel daugmentation du taux demploi correspond à une volonté de faire baisser le taux de chômage et denrayer le processus dextension de la pauvreté, mais ce nest pas le cas. Si la priorité est à laugmentation du taux demploi, cest pour éviter les pénuries de main-dœuvre et les risques de dérapage salarial inflationniste, et éliminer les déficits des régimes sociaux. Tous les moyens et tous les emplois sont bons pour atteindre lobjectif ; en particulier les réformes de lassurance-chômage visent à rendre celle-ci plus incitative au travail, en imposant à tout bénéficiaire dallocation lobligation dexercer une activité pour continuer à toucher ses allocations. La remise au travail sapplique aussi, dans certains pays dEurope, aux handicapés, aux malades et aux chômeurs âgés. Faire reculer lâge de la retraite augmenterait aussi la main dœuvre disponible. La cohérence de lensemble nest donc pas évidente.

Au contraire, lobjectif central pour une politique européenne de lemploi devrait être un taux de chômage et de sous-emploi quasi-nul (un taux frictionnel de 1 à 2 % pouvant être considéré comme difficilement compressible). Tout en faisant respecter le droit de chacune et chacun à un emploi convenable, conformément à la définition de lOrganisation internationale du travail (OIT), cest-à-dire un emploi rémunéré de façon quil permette de vivre décemment ; un emploi qui corresponde aux qualifications et aux aspirations des travailleurs en termes de conditions demploi et de travail ; et aussi un emploi qui sinscrive dans le respect des droits collectifs : droit syndical, droit de négociation, droit de grève. Il faut noter que, déjà mis à mal dans les zones franches et certaines zones de reconversion[8], lexercice du droit syndical et du droit de grève risque fort dêtre limité par les nouvelles mesures anti-terroristes de lespace judiciaire européen[9].

En conformité avec larticle 31 §1 de la Charte européenne des droits sociaux, tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. Tout emploi à temps partiel contraint, dintérim, sous-payé, dangereux, etc., ne rentre donc pas dans cette catégorie. Il importe donc de distinguer, dans les statistiques, la catégorie des salariés qui, sans être chômeurs, doivent subir des emplois non convenables , et sont donc en situation de sous-emploi ou de mal-emploi : les politiques doivent viser à réduire aussi bien ce mal-emploi que le chômage total.

Réduire la précarité

La généralisation et lacceptation de la précarité sont en lien direct avec lobjectif daugmentation prioritaire du taux demploi. Dans lUE, certains se rendent dailleurs compte de cette dérive et ont tenté récemment de mettre aussi laccent sur la qualité de lemploi ; la présidence belge du second semestre 2001 a tenté de promouvoir la définition dindicateurs européens de qualité de lemploi. Il est en effet urgent de faire cesser cette confusion entre activité ou petit boulot et emploi : le terme d’“emploi ne doit pas sappliquer à des situations de travail précaire et flexible, dont la rémunération nassure plus le minimum vital.

Mais on ne peut lutter contre la généralisation de la précarité sans réformer à la fois les politiques publiques de lemploi (grandes pourvoyeuses demplois au rabais comme dans le service public dans de nombreux pays) et les politiques demploi des entreprises privées. La Commission évoque rituellement dans ses textes la nécessité dun meilleur équilibre entre souplesse et sécurit锼 sans jamais préciser si cest la souplesse quil faut renforcer, ou bien la sécurité ! Il faut viser une réforme du fonctionnement du marché du travail et de la protection sociale visant à assurer une sécurité de revenu et dexistence à chaque travailleur, indépendamment de lemploi quil occupe à un moment donné.

Assurer une vraie protection sociale contre les aléas du marché

La plupart des gouvernements européens ont adopté des réformes de lindemnisation du chômage qui vont dans le même sens : réduction du montant et de la durée des allocations, sélectivité accrue dans laccès aux droits, particulièrement le droit aux soins et à la formation. En définissant une protection sociale minimaliste, ils répondent à la volonté de réduction des dépenses sociales de lEtat et à la nécessité, réclamée par les employeurs, de sappuyer sur lexistence dune armée de réserve.

La protection sociale minimaliste est la contrepartie de la prétendue activation des dépenses de chômage : elle organise le retour contraint à lemploi en contradiction avec larticle 5 §2 qui stipule que nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. Pourtant, des dispositifs comme le New Deal au Royaume-Uni, laide sociale en Allemagne, ou encore le Pare en France lient, plus ou moins strictement selon les cas, lobtention dune allocation à lacceptation de nimporte quelle tâche. Le retour à lemploi est le leitmotiv des directives européennes. Il sagit de combattre les effets désincitatifs de la protection sociale, cest-à-dire les réticences marquées par les bénéficiaires dallocations à accepter les emplois dégradés qui leur sont proposés.

Cette obsession de la désincitation renvoie à une analyse qui réduit la figure de lallocataire (mais aussi de tous les travailleurs) à celle dun agent économique dont les motivations au travail sont basées sur le seul calcul coût-bénéfice de court terme. Elle néglige ce que limmense majorité des études sociologiques ou statistiques démontrent, à savoir que les chômeurs et Rmistes recherchent intensément des emplois quon ne leur propose pas, et acceptent le plus souvent les bribes demplois que les politiques publiques leur réservent.

Si désincitation il y a, elle nest pas due au comportement des chômeurs, mais à la mauvaise qualité des travaux proposés et souvent imposés. Ces tâches ou activités (car il peut sagir de stages) sont présentées comme des transitions vers le marché du travail et comme des conditions aux aides sociales, mais elles appartiennent le plus souvent à la catégorie des petits boulots précaires renforçant la marginalisation des chômeurs.

L’accès aux droits sociaux et les services publics

Les droits sociaux (soins, éducation, formation, circulation ¼) sont des droits reconnus par la Charte de lUE à tout résident. La garantie de cet accès demeure lexistence de services publics qui sont, en principe, les lieux dexercice de ces droits ; en particulier les services publics non marchands, comme la santé et léducation. Les services publics marchands devaient devraient rendre laccès aux transports, aux communications possibles pour tous en pratiquant des tarifs dits abordables Que ce soit le système dassurances sociales de Bismarck au 19ème siècle en Allemagne, le système de soins gratuits et de minimum vital de Beveridge au Royaume-Uni à partir de 1942, ou encore les ordonnances sur la Sécurité sociale en France en 1944, etc, tous ces systèmes se sont fondés sur une idée commune de santé publique, mais à lintérieur des frontières.

Le système de soins est mis à mal par les gouvernements européens et nest plus accessible à tous ; en France, la Couverture maladie universelle (CMU) a tenté, en vain, de suppléer les défaillances du système public, mais le plafond de ressources exigé pour en bénéficier est tellement bas (3 650 F, soit 556 euros) que nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de bas salaires ny ont pas droit et se trouvent, de fait, partiellement exclus de laccès aux soins.

Aujourdhui cette inégalité de base subsiste avec les lycées professionnels, linsuffisance des bourses pour étudiants, etc. Elle ne peut quêtre aggravée par la privatisation, prétendument justifiée par lobligation dadapter lécole. Mais à qui ou à quoi faut-il ladapter ? Il faut lui opposer lamélioration du service public déducation.

Les services publics non marchands reposaient sur une égalité de traitement qui, petit à petit, sest transformée, à partir de lidéologie du droit à la différence et des discriminations positives en égalité des chances et implique donc une différence de traitement. Le droit à la formation pour les salariés et les chômeurs était pris en charge par le patronat ou les services publics ; les contrats (Pare ou autres) que signent désormais les demandeurs demploi dans les différents pays de lUE réduisent considérablement leurs droits à la formation, en temps et en qualité. Ils ne sont censés obtenir des formations que dans le cadre du marché de lemploi local.

Le socle duniversalité sur lequel reposaient les différents services publics sest érodé à partir de présupposés discriminants ; les changements internes se produisaient en référence à lindividualisation et à lintroduction de financements privés dans le même temps.

Les services publics marchands sont aujourdhui ouverts à la concurrence, cest-à-dire aux critères de la rentabilité des sociétés privées, au prétexte que cela fait baisser les tarifs et sert mieux les consommateurs. Les exemples de libéralisation sont, au contraire, inquiétants pour les clients (chemins de fer britanniques, électricité en Espagne, en Californie, etc.). De plus, ils mettent en cause le principe de la péréquation des tarifs qui permet de servir également tous les usagers. Il faut poursuivre la bataille contre la privatisation de ces services, dont lamélioration est à discuter par leurs salariés, leurs usagers et les dirigeants politiques, aux niveaux nationaux et de lEurope.

Propositions

1- Redéfinir le droit social autour des notions dunité économique et sociale et de réseau : les mêmes droits doivent être garantis, par la loi et la négociation, pour les salariés des entreprises donneuses dordre et sous traitantes. Ce développement dun droit de la co-activité est nécessaire pour contrer les pratiques de morcellement du salariat, dexternalisation, de filialisation qui vident de son contenu le droit du travail et réduisent à limpuissance les organisations de salariés.

2- Refuser la diminution des cotisations sociales patronales pour les entreprises qui recourent systématiquement aux emplois précaires (temps partiel contraint et CDD, intérim, etc.), comme cest actuellement le cas.

3- Définir de nouveaux droits pour les travailleurs, au-delà de leur position demploi du moment : plutôt que daccroître sans cesse la pression de linsécurité sociale, les sociétés européennes sont assez riches pour assurer à leurs citoyens une garantie demploi et de revenu, grâce à un financement mutualisé des coûts par les entreprises et la collectivité (comme la Sécurité sociale actuelle).

4- Adopter des normes de convergence concernant lemploi et le salaire. Elaborer un cadre régulateur européen. Il faut définir une norme salariale minimale, fixée par rapport à la définition du PIB.

5- Mettre fin au cumul des allocations sociales et du salaire. Le cumul entre une allocation et un bas salaire, au nom de l’“incitation au travail, favorise et légitime le développement des emplois les plus précaires et revient à faire payer, pour partie, le coût du travail par le contribuable. Lévolution actuelle nous conduit droit vers le workfare, où la seule perte dun emploi nouvre plus de droits, mais où il faut travailler pour toucher son allocation de chômage.

6- Etablir, au niveau européen, un impôt unifié sur les revenus du capital.

Cest une mesure absolument essentielle pour éviter une harmonisation vers le bas, une perte de substance fiscale aggravée des Etats, et un nouveau bond en avant des inégalités. Les ressources de cet impôt viendraient alimenter un budget européen destiné principalement à des fonds de cohésion et dharmonisation sociale. Cest le complément indispensable dune taxe de type Tobin sur le marché des changes.

7- Etablir, au niveau européen, un impôt unifié sur les bénéfices des entreprises.

Cest une mesure absolument essentielle pour éviter une concurrence fiscale et des délocalisations, et un nouveau bond en avant des inégalités.

8- Mener une politique macro-économique dynamique alliant croissance et réduction du temps de travail.

Lexpérience française de 1997 à 2001 montre que le ticket gagnant de la baisse du chômage, cest la croissance plus la réduction du temps de travail (RTT). Il faut donc, à la fois, des politiques macro-économiques favorables à une croissance soutenable, et une politique européenne de réduction du temps de travail. Les leçons des 35 heures en France sont claires : 400 000 emplois ont été créés par les entreprises qui ont réduit la durée du travail, malgré certains aspects peu favorables à lemploi contenus dans la loi Aubry. Il est donc prouvé quon peut créer des millions demplois à léchelle européenne à condition de déclencher un mouvement général de RTT avec obligation dembauches.

Largument de la compétitivité internationale, qui a justifié les aspects négatifs des lois Aubry (développement de la flexibilité du temps de travail, intensification du travail, exonérations massives de cotisations sociales) tombe dès lors que la politique est menée à léchelle européenne, car les pays de lUnion sont les principaux concurrents les uns des autres. Rien nempêche les citoyens européens de décider ensemble dutiliser les gains de productivité que permet le progrès technique pour vivre mieux et travailler tous, en procédant périodiquement à de nouvelles réductions du temps de travail. Cest une question de choix de société : la RTT est un outil décisif pour sortir de la spirale sans fin de la consommation ostentatoire, du productivisme et des inégalités.

9- Développer le niveau de qualification des travailleurs

Ce développement se fera aussi bien par la formation initiale (au-delà de quinze ans !) que par la formation continue. L “économie de la connaissance doit déboucher sur une société dinclusion, où chacun trouve sa place, et non sur une société de compétition permanente ou les perdants se trouvent relégués dans des emplois de seconde ou troisième zone. Il faut, en particulier, définir des droits à la formation continue, sur le temps de travail et cofinancé par les entreprises, tout au long de la vie, afin de permettre à tous les travailleurs (et pas uniquement les cadres) dactualiser leurs qualifications et de pouvoir suivre les changements techniques et organisationnels.

10- Déclarer un moratoire sur le processus de privatisation

Arrêter les privatisations de manière à évaluer son impact en termes économiques et sociaux, débattre des grandes orientations européennes en la matière et des moyens daccorder concrètement la priorité à la satisfaction de droits sociaux garantis au niveau européen.

Arrêter la libéralisation des services publics, qui aboutit en règle générale à la privatisation des opérateurs publics, les privatisations de manière à évaluer son impact en termes économiques et sociaux. Cette évaluation doit prendre la forme d'un débat contradictoire incluant les usagers et les salariés des services publics. Elle doit déboucher sur l'adoption de grandes orientations européennes en la matière et des moyens daccorder concrètement la priorité à la satisfaction de droits sociaux garantis au niveau européen.

Débattre des grandes orientations européennes en la matière et des moyens daccorder concrètement la priorité à la satisfaction de droits sociaux garantis au niveau européen.

Mais le vide institutionnel réside principalement dans l'absence de procédure démocratique permettant de faire émerger explicitement les alternatives et conflits d'intérêts, pour que soient déterminés par les peuples de l'Union les objectifs et valeurs prioritaires qu'ils sont prêts à réaliser en commun. Le débat ne suffit pas, dautant plus quil est limité à un débat d'experts. La globalisation libérale s'impose dans le secret des réunions inter-gouvernementales et des commissions opaques. Les résistances doivent, au plan européen comme à l'échelle planétaire, imposer les débats publics, trouver leurs propres canaux indépendants d'organisation, de réflexion et d'expression. Notre objectif est d'aider à la consolidation et l'extension de ces mouvements socio-politiques se battant pour une autre Europe, comme pour un autre monde, mettant au premier plan des objectifs sociaux, subordonnant les choix économiques aux choix éthiques et environnementaux, inventant les institutions adéquates à ces buts.

11- Augmenter le montant des minima sociaux en se basant sur lévolution du PIB depuis vingt ans et sur lévolution du salaire moyen. Objectiver le seuil de pauvreté en fonction de lévolution globale des richesses ; ne pas conditionner ces minima à une quelconque obligation dactivité (en France, ce minimum est de lordre du Smic à plein temps ; certaines organisations de chômeurs le chiffrent à 8 200 F mensuels, soit 1 250 euros). La proposition de la Fédération européenne des retraités et personnes âgées (Ferpa), reprise par des associations de chômeurs en Europe, est de définir un seuil pour les minima sociaux en Europe qui serait fixé, pour chaque pays, en pourcentage du PIB par tête.

12- Considérer la satisfaction des besoins fondamentaux comme un droit social élémentaire pour toutes les personnes résidentes ; refuser la contractualisation des rapports entre les chômeurs et les services sociaux, qui rejette la responsabilité de lexclusion sociale sur les chômeurs et conduit à une dissociation entre droits sociaux et droits du citoyen. Parmi les droits sociaux fondamentaux, le droit à la santé (articles 7 et 35 de la Charte) et le droit à léducation et à la formation (article 14) ne sont pas équivalents pour tous : beaucoup de chômeurs doivent restreindre leur recours au système médical pour des raisons financières ; les chômeurs et les allocataires de laide sociale ont des droits restreints à la formation. Quant à laccès aux soins, les sans-papiers, les demandeurs dasile, les prostitué(e)s en sont très largement exclus.

13- Laugmentation du nombre de ménages précarisés vivant de faibles revenus (inférieurs au salaire minimum à plein temps) fait quun nombre important de citoyens / résidents de lUE ont peu ou pas daccès aux droits sociaux. La Charte affirme pourtant, à larticle 35, quun niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de lUnion; non seulement les chômeurs ont des difficultés daccès aux soins, mais il faut y ajouter les détenus (pour qui le travail forcé est une banalité dans les prisons de lUE), les gens du voyage, les demandeurs dasile, etc.

4.- Enjeux politico-économiques de l’élargissement

Avertissement : sera seulement ici abordée la question des prochains élargissements de lUE vers lEurope de lEst. Le sommet de Bruxelles-Laeken de décembre 2001 a avancé lhorizon 2004 (élections du Parlement européen) comme échéance. Il sagit dun choix politique, plus que de lapplication de critères. Lélargissement concerne dix pays dEurope centrale et orientale (PECO) avec ou sans la Bulgarie et la Roumanie ainsi que Chypre et Malte. Les analyses et débats concernant la politique extérieure de lUE vers les pays du pourtour méditerranéen ou dautres régions du monde (le Mercosur, la Russie) devraient faire lobjet de textes spécifiques, dans la mesure où elles sintègrent dans la réflexion une autre Europe pour un autre monde. On ne traite pas non plus ici le bilan nécessaire de la politique de lUE dans la crise des Balkans, ni les questions de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

“ Se consolider d’abord, s’élargir ensuite ” ?

Consolider quoi ? Telle est la question qui se pose vraiment. La Communauté (devenue Union) européenne est passée de 6 à 15 membres demain 25 ou 27 ? Les enjeux du nouvel élargissement ne sont pas seulement ni dabord institutionnels : quel projet de société recouvre cette construction ? Comment se détermine et qui partage ce projet ?

Ce sont les interrogations soulevées par lUnion à 15, et pas seulement en cas délargissement. Nos critiques sont les mêmes envers les politiques dominantes, quelles sappliquent en France ou en Pologne, à léchelle de lUnion européenne ou planétaire. LUE elle-même nétant pas un projet achevé et transparent, que peut dailleurs signifier la notion d “ élargissement ?

Face à une UE en construction, ouverte à des luttes et à un avenir incertains, les jugements sur la meilleure façon de changer nos sociétés peuvent être très divers. Il existe une tendance, dans le vocabulaire ambiant, à assimiler l’“Europe, voire tout projet de construction européenne, à lUE telle quelle est. Ce glissement impérial est du même type que celui qui a fait des Etats-Unis¼ lAmérique. Or ce glissement, vite méprisant, recoupe aussi lidentification de la civilisation et de la démocratie au marché : on est qualifié d’“européen(démocrate) quand on est, en fait, partisan des politiques mises en œuvre dans lUE libérale. Autrement dit, le rejet de lUE telle quelle est nest pas un signe de barbarie - pas plus que son acceptation inconditionnelle nest le signe quon est bien devenu un démocrate.

Les associations Attac qui tendent à se multiplier au plan européen (dans et hors de la zone euro et de lUE) peuvent regrouper des partisans et des adversaires de lUnion européenne ; des partisans dune autre construction européenne - et dautres radicalement hostiles à tout projet politico-institutionnel supranational, mais non pas hostiles à des coopérations entre Etats souverains. Toutes ces positions sont évolutives. La diversité des choix ne doit pas empêcher des critiques communes, des objectifs de lutte communs, et une contestation des procédures qui ne permettent pas aux divers peuples de peser sur ce qui détermine leur sort.

Thérapies de choc et régression sociale

Les critères de rapprochement que lUE a imposés en Europe de lEst sont, en pratique, les mêmes que ceux que le Fonds monétaire international (FMI) impose aux peuples du Sud à travers ses politiques dajustement structurel. Ils relèvent du consensus de Washington qui tend aussi à simposer aux membres de lUE telle quelle est. Les privatisations généralisées, notamment dans les services publics (sous pression de lendettement extérieur, ou/et des critères dadhésion), la suppression des protections sociales et de laccès généralisé aux services publics ont été particulièrement radicales dans des pays se réclamant du socialisme où lessentiel de lindustrie était nationalisé. Si les populations voulaient y vivre mieux et plus libres, elles nont nulle part voté pour les mesures qui leur ont été imposées comme un retour naturel aux lois du marché - supposées incarner la civilisation. Même là où lancien régime a largement été ébranlé par la force dun mouvement social den bas la Pologne de Solidarnosc on na nullement consulté la population pour lui infliger une thérapie de choc. Celle-ci a dailleurs été rejetée au plan électoral, en Pologne comme ailleurs, sans quune alternative progressiste et crédible soit capable, pour linstant, de simposer contre une mondialisation capitaliste[10] sauvage.

La chute de niveau de vie pour la grande masse des populations dEurope de lEst a été désignée par lUnicef comme un choc dampleur comparable à la crise de 1929. Parmi tous les pays issus de lex-URSS et ceux de lEurope centrale et orientale, seule la Pologne en 1999 (dix ans après la chute du Mur de Berlin) avait retrouvé et dépassé son niveau de PIB de 1989 et elle partait en fait de très bas et avait été la seule (ce quon omet en général de souligner) à bénéficier dune annulation de dette substantielle au début des années 1990. Si les pays dEurope centrale (Slovénie, Hongrie, Slovaquie, Tchéquie) dépassent eux aussi aujourdhui leur niveau de PIB de 1989, la Pologne voit son taux de croissance chuter depuis trois ans on parle de récession en cours et la reprise de la croissance saccompagne de privatisations alourdissant la facture dun chômage supérieur à 30 % en Bulgarie des taux que certaines régions sinistrées de Pologne ou de Hongrie connaissent elles aussi.

Comme sous dautres cieux où ces politiques se sont appliquées, les privatisations se sont accompagnées de montages financiers et de corruption ainsi que dune dette extérieure systématique, financée par lentrée de capitaux étrangers. En Europe centrale et de lEst, louverture récente des services financiers stratégiques au capital étranger (70 % du secteur bancaire en Pologne) va certainement aggraver les contraintes pesant sur les entreprises dans des pays où leur restructuration sur le mode capitaliste signifie non seulement chômage, mais aussi remise en cause des avantages sociaux (crèches, hôpitaux, logements¼) en nature, associés autrefois à lemploi.

Perspectives et critères d’adhésion

Cest, pour l'instant, lhorizon incontournable des principales forces politiques, de gauche comme de droite, qui se succèdent au pouvoir dans les PECO. Seules des formations nationalistes, et notamment liées aux milieux paysans, expriment des inquiétudes sur les effets socio-économiques de ladhésion. Les professions de foi en faveur dune telle intégration sont dabord des gages donnés aux créanciers et investisseurs étrangers, une façon de dire que le passé est bel et bien révolu pour attirer les capitaux. Pour les ex-communistes social-démocratisés, cest, en outre, la condition dune reconnaissance internationale comme interlocuteurs crédibles. Avec le risque croissant que les discours sociaux et critiques envers la modernité occidentale proviennent exclusivement de courants de droite.

La candidature à lUE permet aussi, dans les pays concernés, de légitimer les politiques daustérité qui accompagnent les transformations systémiques. Les nouveaux élus en Pologne ont exigé que les négociations dadhésion ne soient pas ajournées ou retardées par les débats non résolus sur le fonctionnement de lUE : il faut rendre la transition irréversible, disent-ils. Et laccélération des transformations doit être légitimée par un impératif : celui dune adhésion à horizon suffisamment rapproché pour justifier les mesures dajustement sur les institutions et mécanismes de lUE.

Pour les populations concernées, la perspective de ladhésion est aussi peu claire et susceptible dévolution que pour les populations membres. Si elle est attractive pour les jeunes en général, elle est source dinquiétude croissante lorsquon légitime systématiquement la perte davantages sociaux à des critères imposés par Bruxelles. Des défiances sexpriment dans les sondages la Pologne semble désormais partagée à 50 % pour et contre, la Hongrie reste très favorable, la Tchéquie plus traditionnellement réticente. Pourtant, ladhésion reste sans doute largement associée (à tort ou à raison) à l'espoir de vivre mieux : ne s'agit-il pas de lEurope des riches ?

Mais la crainte d'être encore plus marginalisés et perdants en restant hors de l'UE, et l'absence d'alternative crédible de gauche à l'Europe de Maastricht pèsent dans les consciences. Si le coût (les critères) de ladhésion savèrent trop lourds, il y aura certainement des retournements dopinion. Mais, alors que ces pays subissent le pire des politiques néolibérales, ils peuvent espérer quen adhérant ils pourraient au moins avoir leur mot à dire et bénéficier des fonds structurels de lUnion auxquels ils sont éligibles.

Les critères dadhésion dits de Copenhague (sommet de 1993) sont dores et déjà caducs : les candidats doivent être en mesure de faire face à la concurrence dans lUE. Or, contrairement à ce que fut la politique économique (protectionniste et interventionniste) appliquée au lendemain de la deuxième guerre mondiale dans le contexte du plan Marshall, on impose une politique de restriction des financements publics et bancaires de léconomie et une transformation des systèmes financiers laissant ces économies (et leur budget) tributaire des capitaux étrangers. Linterventionnisme économique est taxé de populiste sil veut préserver des emplois, des acquis sociaux (subventions, secteur public¼). Au total, on a nécessairement montée du chômage et creusement des déficits extérieurs vis-à-vis de lUE¼ donc lexpression même de lincapacité à faire face à la concurrence sans protection. Le montant cumulé total du solde commercial de lUE avec les PECO sur la période 1990-1999 atteint 105,3 milliards deuros, soit dix fois plus que le total de 10,89 milliards deuros engagé par la Commission européenne en faveur des PECO dans le cadre du programme Phare.

Un bilan désastreux pour tous les candidats

Trois pays (Pologne, Hongrie et République tchèque) ont reçu à eux seuls près de 60 % de lassistance occidentale (notion qui intègre un tiers de dons - contre 88 % dans le cas du plan Marshall), le reste de cette aide consistant en crédits conditionnés¼ Autrement dit, les pays les plus riches sont ceux qui reçoivent le plus cette aide. De surcroît, les conditionalités ont signifié une politique de privatisation forcée, sans capital organique accumulé donc tributaire de montages financiers et dachats par le capital étranger.

Les privatisations forcées ont touché de façon dogmatique tous les secteurs et entreprises, quils fonctionnent bien ou mal, alors que le critère du fonctionnement obéissait à des règles de gestion totalement différentes : les grandes entreprises incorporaient des infrastructures sociales (logements, crèches, hôpitaux, etc.).

Les coopératives de Hongrie qui étaient efficaces et dégageaient des capacités dexportation ont été remises en cause et subordonnées aux intérêts des grandes firmes agro-alimentaires occidentales (recevant dailleurs lessentiel des subventions¼ de la PAC). La Slovénie, qui a le PIB par tête le plus élevé de tous les pays candidats (70 % de la moyenne de lUE contre 20-30 % pour la Roumanie ou la Bulgarie) est le pays qui a le moins privatisé (donc le moins détruit son héritage efficace, lié au passé autogestionnaire), mais la Commission européenne le lui reproche !

En pratique, les critères économiques produisant des effets désastreux, la Commission retient des critères institutionnels et, finalement, politiques sans le dire. Elle avait sélectionné, après Copenhague, 5 candidats Slovénie, Hongrie, Pologne, Estonie et Tchéquie - avec lesquels les négociations ont commencé en 1998. Mais cela posait problème notamment pour les relations Tchéquie/Slovaquie (accords douaniers) et, en général, pour les 5 autres pays non retenus, qui se sentaient discriminés (Lettonie, Lituanie, Slovaquie, Roumanie et Bulgarie).

La guerre de lOTAN au Kosovo (mars-juin 1999) aggravant la situation dans les pays concernés par les sanctions, a provoqué un tournant radical de la procédure délargissement au sommet dHelsinki (décembre 1999) : au lieu de retenir une première vague des cinq premiers pays évoqués plus haut, il a été décidé douvrir la procédure dadhésion aux dix PECO. Tout en pratiquant lexamen au cas par cas. La Déclaration de Laeken est restée dans le brouillard, mais avance une énumération de huit PECO (sans la Bulgarie et la Roumanie) susceptible de remplir les conditions dici 2004. En fait, il y a peu de différences de niveau de vie et de structures entre la Bulgarie et la Roumanie, dune part, et, de lautre, la Lituanie ou la Slovaquie, et moins décart quentre ces deux derniers et les pays avancés, voire moyens, de lUE.

Politique agricole et fonds structurels

La perspective de bénéficier des fonds structurels et des aides au revenu agricole et à la restructuration de lagriculture est évidemment un élément attractif de ladhésion de pays globalement plus pauvres et plus agricoles que la moyenne de lUE. La production agricole des PECO représentait en 1990 20 à 50 % de celle de l'Europe des Douze, selon les secteurs avec une part dans lemploi allant jusquà 30 % (Roumanie). Mais cest aussi dans les campagnes quon trouve le plus d'inquiétude envers une adhésion à lUE qui implique aussi une brutale confrontation avec des agricultures très subventionnées et modernisées. En réalité, la plus grande incertitude règne sur ce que seront les acquis communautaires lors de ladhésion.

Celle-ci pourrait accélérer la remise en cause préalable de la PAC dans la continuation des négociations du Cycle de lUruguay reprises par lOMC. Les prix de lUE saligneraient sur les prix mondiaux (dont sont proches les prix est-européens) et les subventions directes sont censées remplacer les pertes de revenus que provoqueraient ces ajustements. Mais les revenus des agriculteurs des PECO seraient-ils alors alignés sur ceux de lOuest ? Autrement dit, recevraient-ils en Pologne les mêmes soutiens à leur revenu quen France ? Et ladhésion sera-t-elle associée à une application identique aux PECO des critères dallocation des fonds structurels en vigueur ? Les protestations venues de lEurope de lEst à légard des premiers projets prévoyant de ne pas appliquer aux nouveaux membres les mêmes critères quaux quinze actuels, ont infléchi les propositions.

La Commission européenne a adopté, le 30 janvier 2002, un cadre budgétaire pour lélargissement pour la période 2004-2006. Il sefforce de respecter le projet plafonné à 1,27 % du PIB de lUnion fixé par les Quinze au Sommet de Berlin en mars 1999.

Mais, en fait, ce budget prévoyait initialement :

- un scénario délargissement à six nouveaux Etats membres en 2002 alors que le nouveau scénario envisagé au Conseil européen de Laeken recule léchéance à 2004, mais pourrait concerner dix nouveaux Etats membres (excluant Roumanie et Bulgarie) ;

- des hypothèses de non-application aux nouveaux pays membres des subventions directes, ce qui a provoqué une levée de boucliers en Europe de lEst.

Dans ses nouvelles propositions (février 2002), la Commission indique que la politique des marchés de la PAC doit intégralement sappliquer, mais, côté subventions, elle préconise un régime transitoire tendant vers un statut unique :

- au cours dune phase de transition initiale (2004-2006), les nouveaux membres ne recevraient, pour 2004, que 25 % des montants prévus par le régime actuel, 30 % pour 2005 et 35 % pour 2006 ;

- entre 2006 et 2013, on ne garantit plus de montant absolu car le régime des aides est susceptible dévoluer. Mais le régime des paiements directs serait établi de façon à ce que les nouveaux membres se rapprochent chaque année davantage de lobjectif des 100 % du régime appliqué aux autres en 2013.

En ce qui concerne les actions structurelles, laide en faveur des dix nouveaux Etats membres correspondrait à 137 euros par habitant en 2006 soit 2,5 % de leur PIB total (contre une moyenne de 231 euros par habitant pour les quatre actuels membres de lUE bénéficiant de ces aides, et 1,6 % de leur PIB total).

Les nouveaux Etats membres sont beaucoup plus pauvres que les membres actuels (en dehors de la Slovénie dont le PIB par habitant est proche de la moyenne de lUE à 15, et de lordre de celui de lEspagne, tous les autres sont en dessous de 50 % de cette moyenne). Donc les aides exprimées en % du PIB recouvrent des montants faibles (permettant de rester dans les bornes dun budget de lUnion inférieur à 1,27 % du PIB de lUnion). On évoque souvent un seuil daide à ne pas dépasser, qui serait de 4 % du PIB du pays récepteur. Mais ce seuil na rien dun acquis communautaire ni dune évaluation scientifique, et lon omet de souligner que les Länder de lAllemagne de lEst ont reçu, depuis 1989, des transferts de lordre de 100 milliards deuros par an, soit, sur dix ans et selon les années, entre 60 et 100 % de leur PIB. Un tel transfert na pas pour autant permis une réelle résorption des inégalités entre les deux parties de l'Allemagne.

La question est donc double. Elle est non seulement davoir un budget à la hauteur des enjeux, mais aussi une politique économique qui assure effectivement lélévation du niveau de vie et la réduction des écarts de développement sur le continent européen.

Les coûts : une question politique

Lévaluation du coût de lintégration des PECO nest pas dabord quantitative. Pour les pays de lUE, elle est évidemment aussi politique. Mais de quelle politique sagit-il ? Des promesses ont été faites lors de la chute du Mur de Berlin : si vous réalisez les transformations exigées, vous rejoindrez le club des nantis. La crainte existe que la remise en cause de ces promesses (et des aides) ne favorise le développement de courants ultra-nationalistes et finalement hostiles à lUE... à ses frontières. Cest pourquoi la tendance dominante est davancer politiquement vers lélargissement (avec ladhésion de 10 ou 12 des candidats dici les prochaines élections du Parlement européen en 2004), tout en poursuivant une politique daustérité budgétaire libérale, socialement désagrégatrice, tant dans lUE que chez les pays candidats.

Létroitesse du budget communautaire se combine au carcan des traités. Pour donner à lEst, on prendra au Sud (lEspagne et le Portugal protestent déjà et exigent le maintien des sommes qui leur sont allouées), ou bien on créera des citoyens de second rang (des paysans aux droits différents). Lapplication aux PECO des critères en vigueur doublerait, selon diverses évaluations, le budget de lUnion, mais on resterait en deçà de ce que fut leffort du plan Marshall et on aurait encore un budget dix fois plus faible que celui dun pays de taille analogue, les Etats-Unis.

Certains jouent aussi sur la crainte dun déferlement des travailleurs dEurope de lEst, aggravant le chômage, mais des inquiétudes analogues avaient été exprimées lors de ladhésion de lEspagne et du Portugal¼ Des mesures préconisées par lAllemagne et lAutriche, reprises par la Commission européenne, introduisent une période de 5 à 7 ans de suspension de la liberté dembauche à lintérieur de lUE15 pour les travailleurs des nouveaux pays membres. Mais les politiques de délocalisation existent déjà. Et le risque des mesures préconisées est de multiplier le nombre de travailleurs clandestins.

Conclusion :

1- il faut à tout prix arrêter dappauvrir la grande masse des populations de ces pays. Le mot dordre de moratoire des privatisations et de bilan à effectuer est, en fait, commun à lensemble des pays européens quils soient ou non membres de lUE ;

2- dans et hors de lUE, la question des services publics et de leur financement doit être au coeur dun autre projet de société.

Cest dabord la logique libérale qui rend lélargissement socialement menaçant : primauté de la compétition marchande à lintérieur de lUnion elle-même, dumping fiscal, absence de critères de convergence sociaux, agriculture productiviste.

Propositions

1- Associer pleinement les pays candidats à la réflexion critique sur la nature de la construction européenne et à la réflexion sur une autre Europe pour une autre mondialisation en respectant lhistoire, les valeurs, les priorités de chaque peuple.

2- Défendre prioritairement, dans les pays dEurope de lEst, le droit à léducation et, plus généralement, aux services publics pour tous, contre les politiques daustérité budgétaire et contre la privatisation de ces services.

3- Exiger la transparence sur les effets des politiques et pratiques sociales des multinationales européennes simplantant en Europe de lEst (comme dans les pays du Sud), notamment dans le domaine des services (télécoms, électricité, distribution) et de lagro-alimentaire;

4- Avec la Confédération paysanne et Via Campesina, associer les paysans dEurope de lEst à la défense dune agriculture paysanne, assurant, pour chaque peuple, la maîtrise de ses besoins nutritionnels de base, et protégeant lenvironnement et la santé.

Attac appliquera elle-même cette démarche en allant vers un Forum social européen, prévu à Florence cet automne, qui naura pas de frontières à lEst et remettra en cause les rapports de néo-colonisation partout où ils se manifestent.


Notes

_ftnref1[1] Six Etats sont alors parties prenantes : République fédérale dAllemagne, Belgique, France, Italie, Pays-Bas, Luxembourg.

_ftnref2[2] Dont la Haute Autorité, ancêtre de lactuelle Commission, gère les ressources mises en commun et nest soumise au contrôle du Conseil des ministres que pour les questions de portée générale

[3] Voir à ce propos, Joseph Stieglietz, Prix Nobel déconomie, ancien vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale, La grande désilusion, Editions Fayard 2002

[4] Le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment) désigne le taux de chômage qui naccélère pas la hausse des prix ; on parle aussi de taux de chômage déquilibre .

_ftnref5[5] La Charte des droits fondamentaux adoptée le 7 décembre 2000 au Conseil européen de Nice proclame, dans son article 34 §3, que, afin de lutter contre lexclusion sociale et la pauvreté, lUnion reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaires et les législations et pratiques nationales . Ce texte indique bien que la question du salaire ou du revenu minimum nest pas à discuter au niveau de lUnion, qui rejette toute revendication européenne . Il faut ajouter quen Europe, environ 55 millions dindividus vivent en dessous des seuils (nationaux) de pauvreté.

[6] Pierre Jacquet et Jean Pisani-Ferry, La coordination des politiques économiques dans la zone euro : bilan et propositions dans Questions européennes, rapport au Conseil danalyse économique (CAE), La Documentation française, Paris, 2000.

[7] Jean Pisani-Ferry, Plein emploi, rapport au CAE, La Documentation française, Paris, 2000.

[8] Depuis les années 1970, les zones de reconversion et zones franches ont été établies pour créer des emplois : les entreprises qui sy installent bénéficient de primes spéciales et ont le droit dinterdire lexistence du syndicat et la grève.

[9] Interdiction de rassemblement dans certains espaces, interdiction doccupation, etc.

[10] Voir à ce propos, Joseph Stieglietz, Prix Nobel déconomie, ancien vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale, La grande désilusion, Editions Fayard 2002